Ce soir, je suis tombé par hasard sur le nouveau remix de l’album Lizard, qui m’a d’abord plu dans les premières chansons. Il était clair que le remix prenait beaucoup de libertés avec le contenu initial, au point où la structure même des chansons est parfois changée. Dans Cirkus, c’est une réussite, et j’attendais de voir ce que cela donnerait sur les chansons que je détestais initialement : Indoor Games et Happy Family. Et pour la première, il faut dire que le mix donne de la clarté à ce foutoir, qui devient presque plaisant (seulement par moments, car dans l’ensemble, ça reste du Zappa en moins bien). Pour la deuxième, il faut croire qu’elle était insauvable, c’est toujours aussi inaudible et présomptueux. Lady of the Dancing Water, rendue beaucoup plus claire et moderne, est peut-être le bijou de ce remix. Arrivé ici, j’attendais avec impatience ce que donnerait la chanson titre, évidemment la meilleure de l’album, et une des plus belles créations de King Crimson. Et j’ai été très déçu : les mouvements sont séparés, beaucoup trop disjoints, et les ajouts/suppressions instrumentales paraissent souvent superflues. Certaines pistes de guitare avaient été laissées de côté pour une bonne raison, et ici le remix place tout, comme s’il fallait absolument de la nouveauté. Aucune raison, donc, de revenir à ce remix de la chanson Lizard, si ce n’est pour le piano isolé au début. C’est même un exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Less is more ! Si la trompette et le hautbois sont si magnifiques dans la version originale, c’est parce qu’ils ont la place pour briller, quand bien même la qualité sonore ne rend pas tout si nettement que ce qui est permis aujourd’hui.

Par curiosité, j’ai quand même voulu essayer le remix de Red paru l’année dernière. Ratage industriel. Toute l’épaisseur et la noirceur de Fallen Angel a été sacrifiée pour qu’on distingue mieux la guitare note par note. Et ne surtout pas me demander ce que je pense de ce qu’il ont fait à Starless.

C’était quand même l’occasion pour moi de revisiter certains albums et chansons de King Crimson.

In the Court of the Crimson King

Je comprends pourquoi cet album est aimé, mais les superlatifs que je peux lire continuent encore de m’étonner. Oui, In the Court a peut-être posé les bases du prog, mais il me paraît quand même évident que ce n’est pas la création la plus aboutie du genre. La majorité du temps, la prétention prend le dessus sur le génie… C’est criant dans Epitaph, l’une des chansons les plus pompeuses jamais enregistrées, que ce soit dans les paroles ou dans la lourdeur du mellotron, qui vient soutenir une mélodie certes belle, mais statique. Du positif quand même, bien sûr : 21st Century Schizoid Man, parce que la spontanéité et le côté cru ne sont pas abandonnés au profit du développement. Et dans I Talk To The Wind, de la même manière, un juste équilibre est trouvé entre la poursuite de la complexité dans les solos, et la simplicité de la structure. L’esthétique moyenâgeuse trouve sa place, contrairement aux deux dernières chansons, où l’on se regarde carrément jouer sans justifier le temps perdu.

Je ne peux donc pas accepter qu’on se prosterne autant devant cet album, surtout quand on sait ce qui vient plus tard ! En plus, si l’on se concentre sur les performances individuelles, il ne me semble pas que l’écriture de guitare de Fripp brille particulièrement ; de même, la batterie sonne creux. En définitive, un bon album, influent et primordial, mais à faire redescendre de son piédestal.

In the Wake Of Poseidon

Je ne crois même pas qu’il vaille la peine de s’attarder sur le deuxième album de Crimson, puisque c’est le même que le premier, en moins bien (vraiment, la chanson titre est Epitaph 2) mais on peut quand même retenir Cat Food, où enfin le groupe innove et accepte de se faire plaisir plutôt que de prophétiser la fin de l’humanité avec un dictionnaire à portée de main. Ah, et Peace - A Theme, c’est joli.

Lizard

Au risque de me répéter, la chanson Lizard est un vrai accomplissement, car même si on prend en compte l’indulgence de certaines expérimentations, la structure permet d’explorer des idées neuves, et les instruments classiques ne semblent pas forcés, mais apportent la touche nécessaire au bon moment, comme dans le sublime Boléro. Sinon, on peut retenir Cirkus.

Islands

Album bizarre, sans vraie unité. Islands, la chanson, est magnifique, et Sailor’s Tale, ainsi que Ladies of the Road, valent le coup. Le reste est très oubliable.

Larks Tongues In Aspic

C’est en 1973 que la meilleure formation de Crimson a vu le jour. D’abord, Bruford, l’un de mes batteurs préférés de tous les temps, a changé d’employeur (quittant Yes), et Wetton, s’il n’est pas leur plus grand chanteur, est certainement leur meilleur bassiste. Sur Larks, le violoniste David Cross apporte une touche très particulière. Et, preuve que cela peut se faire sans prétention, l’album est leur plus expérimental à ce jour, mais avec cette fois-ci un réel savoir-faire. La chanson titre en deux parties déroule des riffs de guitare faits d’un métal glacé, le tout dans un rythme irrégulier et décontenançant, quand le violon et les cloches ne donnent pas un atour désertique à la pièce. Book of Saturday est simple mais belle, et que dire d’Exiles, un bijou de Crimson, où le violon fait pardonner toutes les imperfections vocales de Wetton. Il n’y a qu’Easy Money qui me rebute un peu. Mais Larks est solidement installé à la deuxième place des albums de KC.

Starless and Bible Black

Écouté une ou deux fois, jamais accroché. Mais cet album plus ou moins live est de toute façon mineur, et sans doute plus important pour les évolutions stylistiques qu’il a permises, en vue de Red.

Red

Et Red, donc, est incontestablement le chef d’œuvre de King Crimson. Déjà parce que Starless. Ensuite parce que le métal.

Discipline - Beat - Three of a Perfect Pair

Certes, c’est moins bien que Talking Heads (ce Adrian Belew chante drôlement bien, ça pourrait presque être la doublure vocale de David Byrne, hint hint), mais on prend quand même ce qu’il y a à prendre : Frame by Frame, Elephant Talk, Matte Kudasai (qui rendrait Brian Eno fier) sont de superbes chansons de new wave (et d’art rock pour la dernière). J’ai rassemblé les deux albums suivants, très similaires, et qui contiennent des pépites : Model Man, Heartbeat, Three of a Perfect Pair, Neal and Jack and Me. Une compilation des trois albums 80s de KC ferait un beau candidat à leur podium.